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une métamorphose iranienne

  • Quand la liberté d'expression a le cafard

    une métamorphose iranienne, mana neyestaniComment un tout petit dessin, un cafard, dans un journal pour enfants, entrâine l'emprisonnement et l'exil forcé de son illustrateur ? Imaginez, vous vous appellez Mana Neyestani, vous êtes iranien et ce petit dessin crayonné sans mauvaise intention va bouleverser votre vie et celles de milliers d'autres personnes.

    Mana Neyestani dessine depuis l'âge de 16 ans dans des journeaux réformistes iraniens et le changement de gouvernement le force dans les années 2000 à travailler exclusivement sur des illustrations de presse pour la jeunesse. Un jour où la chaleur écrase Téhéran, Mana Neyestani dessine la rencontre de son personnage avec un cafard. A cause d'un mot azeri (Note de la Bloggeuse : les azeris sont l'ethnie d'origine turque de l'Iran) prononcé par le petit cafard, l'Iran s'enflamme. Le petit mot prononcé sans une métamorphose iranienne, mana neyestanimauvaise intention entrâine des manifestations dans les universités qui descendent rapidement dans les rues et se transforment en affrontements sanglants entre la communauté azeri choquée qu'on la compare à des cafards, et les forces armées iranniennes.

    Mettant en danger la sécurité intérieure du pays Mana Neyestanii et le rédacteur du journal sont arrêtés et incarcérés en détention provisoire pour calmer les esprits échauffés. Pendant qu'ils subissent interrogatoires sur interrogatoires, le malheureux cafard continue à faire couler le sang, c'est maintenant l'Azerbaidjan qui s'enflamme. La détention des deux malheureux durent 51 jours pendant lesquels ils connaissent l'enfer des prisons iraniennes peuplées de junkies qui ne supportent pas le sevrage du crack et de bon nombres d'autres malheureux. Les services secrets iraniens les interrogent, les accusent d'avoir reçu de l'argent pour semer le trouble et les somment de livrer des informations sur les journalistes et illustrateurs de presse dissidents au régime. L'enfer, le cauchemar, l'isolement, l'angoisse, la culpabilité sont leur quotidien. Au terme de 51 jours de détention, Mana et son rédacteur sont  relâchés pour quelques jours dans l'attente de leur procès.

    une métamorphose iranienne, mana neyestaniAu terme duquel il savent qu'ils ne vivront plus jamais vraiment libres quelqu'en soit l'issue. On les forcera à trahir leurs amis pour échapper à la prison, et la prison ils ne veulent pas y retourner, surtout pas au prix de la trahison. Accompagné de sa femme, Mana Neyestani fuit vers Dubai sous prétexte de passer quelques jours au calme avant le procès et le retour à la prison d'Evin. Les quelques mois que leurs visas leur permet de rester à Dubai ils les passeront à chercher le moyen de fuir le Moyen-Orient avec le statut de réfugiés politiques. Entre faux espoirs et désillusions sur l'humanisme de certains pays (et oui la France n'est pas celle de Jean-Jacques Rousseaux...) le quotidien de Mana Neyestani et de sa femme n'est pas vraiment très rose, les lendemains ne chantent pas très fort... De Dubaï ils passent ensuite en Turquie puis en Malaisie, où en désespoir de cause ils font appel à un passeur, bien mauvais puisqu'ils ne passeront jamais au Canada... Grâce à un visa étudiant Mana Neyestani et sa femme restent ensuite quelques années en Malaisie. Leur exil forcé a maintenant trouvé refuge en France puisque Mana Neyestani est aujourd'hui en résidence d'artiste à la Cité des Arts de Paris avec le soutien de l'UNICORN qui vient en aide aux artistes réfugiés politique.

    Voilà comment un petit dessin bouleverse la vie de milliers de personnes, voilà comment tourne le monde maintenant, voilà comment la liberté d'expression a des frontières aussi étriquées que le plus petit des pays...

    Le témoignage de Mana Neyestani dans Une métamorphose iranienne aux éditions Ca et là est un énorme coup de coeur BD. Dès que l'on parle d'atteinte à la liberté d'expression notre morale bien pensante de petits européens relativement libres de dire ce qu'ils veulent, nous force toujours a nous offusquer, oui il faut dire la vérité. Mais là c'est autant sur le fond que sur la formeque je conseille Une métamorphose iranienne.

    On retrouve dans Une métamorphose iranienne une note de poésie dans ce monde de brutes, propre aux intellectuels perses et rien que pour son trait de crayon cette BD est magnifique.