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  • Miroir de nos peines de Pierre Lemaître

    Tout commence en avril 1940 quand Louise, qui n’est autre que la petite Louise d’Au revoir là-haut qui aidait Edouard à confectionner ses masques, accepte de se dévêtir contre une importante somme d’argent, devant un médecin retraité et client fidèle de La Petite Bohème le restaurant qui l’emploie en extra. Sauf que cette requête pour le moins incongrue finit très mal. Le médecin se suicide devant une Louise qui prise de panique se retrouve sur les Grands Boulevards parisiens à courir seulement vêtue de sa honte et sa terreur. Cet épisode pour le moins traumatisant va soulever les secrets du passé et pousser la jeune femme en quête de vérité sur le chemin de l’Exode des parisiens de juin 1940.  

    Dans le dernier volume de la saga Les Enfants du désastre de Pierre Lemaitre, on retrouve des escrocs, des naïfs, des filous, des hommes et des femmes de courage qui nouent des amitiés improbables et qui révèlent leurs vraies nature pendant ces heures sombres. On s’y attache (pour ma part j’ai adoré Désiré Migaud, tour à tour avocat, porte-parole du gouvernement, prêtre prédicateur) car ils inscrivent leurs histoires dans l’Histoire avec un grand H comme les personnages des deux premiers volumes. Je n’irais pas jusqu’à dire que Miroir de nos peines est sensationnel, il est très bien mais n’est pas mon préféré de la saga. Un peu trop lent à mon goût, c’est ce que je lui reprocherait mais on ne peut pas nier qu’il y a dans les portraits de ces hommes et femmes quelque chose de Zola. Un grand merci à Pierre Lemaître pour l’ensemble des Enfants du désastre.

  • « Le Service des manuscrits » d’Antoine Laurain

    Quand Violaine Lepage, éditrice en vue et responsable du service des manuscrits d’une célèbre maison d’édition, sort du coma après un accident d’avion, c’est la surprise. Le premier roman Les Fleurs de sucre qu’elle vient de publier se trouve dans la première sélection du Goncourt. Au fur et à mesure que l’étau de la sélection se resserre, des événement étranges se succèdent. Tout d’abord, les pertes de mémoire de Violaine qui ne se souvient ni d’être fumeuse ni kleptomane. Jusque là rien de bien méchant qui ne pourrait pas être imputé à son coma. Le plus grave et le plus inquiètant étant le soudain silence de l’auteur-e que personne n’a jamais rencontré-e et les meurtres décrits dans le livre qui se déroulent à la lettre près depuis un an et que Sophie, lieutenant de police normande en charge de l’affaire, n’aurait jamais reliés au roman les Fleurs de sucre si celui-ci n’avait pas été publié.

    Excepté Fume et tue, qui serait celui qui se rapprocherait le plus dans le style narratif du Services des manuscrits (tous les deux ont des accents de polar), j’ai lu tous les Antoine Laurain. Ici encore Laurain donne vie aux objets et cette fois-ci pas n’importe lequel : un livre. Cet objet de fantasme et de labeur que couve pendant des mois, voir des années, même une vie entière pour certains, un auteur. Cet objet que chaque lecteur fera vivre à sa manière. Comme dans le Chapeau de Mitterand, le livre Les fleurs de Sucre ici mis en abîme est un personnage à part entière du roman. Tout tourne autour de lui et de son/sa mystérieux-se auteur-e, davantage qu’autour du service des manuscrits qui donne son titre au roman. Ici on se demande si le livre, le roman prend une dimension prédictive ou résiliente, voir les deux à la fois.
    Ce nouvel opus d’Antoine Laurain mêle les codes du polar et du roman, légèreté et noirceur avec des thèmes comme le viol jamais abordé jusqu’ici dans ses romans. Je l’ai dit, j’ai lu tous les Laurain donc forcément j’apprécie son style et son travail, et même si dans ce dernier roman il s’ouvre à un autre genre il ne perd rien de ce qui a fait son succès.

  • Le Bal des Folles

    Tour à tour institution d’accueil des indigents, puis prison pour femmes, l’hôpital de la Salpêtrière sous la houlette du grand neurologue Charcot accueille à la fin du XIXème siècle épileptiques, « aliénées », hystériques. Pour la première fois de son histoire, l’établissement a une vocation médicale. Ici la maladie est exclusivement féminine et ce sont les hommes qui décident qui y entrent et qui en sort, mais ne rêvons pas cela n’arrive jamais. Puisque la maladie est féminine, le roman l’est aussi.
    Louise, l’«hystérique » de 16 ans rêve d’être la nouvelle Augustine des cours du mardi du neurologue, Thérèse, l’ancienne prostituée devenue « La tricoteuse » n’a rien d’une « aliénée », mais a jeté son amant volage et violent dans la Seine. Eugénie, la nouvelle recrue, jeune bourgeoise visitée par l’esprit de son grand-père défunt, puis par d’autres, est internée par son père. 
    Le jour de son arrivée à la Salpêtrière, ce don qui l’a mené dans ce gynécée neurologique va bouleverser la vie de Geneviève, l’infirmière-cheffe du service, femme austère et rigide
    Chaque année à la mi-Carême est donné le « bal des folles ». Déguisées en Colombine, Arlequin, paysanne ou marquise au milieu du Paris en haut-de-forme et rivières de diamants, on se croirait dans un zoo. On vient de l’extérieur, on observe sans s’approcher entre curiosité malsaine et peur.
    Cet événement exceptionnel qui donne son titre au livre est pour les « aliénées » un espace de liberté. Une catharsis, pendant laquelle elles peuvent enfin être elles-mêmes, un petit moment de gloire, où la liberté et l’émancipation sont autorisées. Vous le saurez si vous finissez le livre.
    Le terme « aliéniée » ici dérange. Sous un même mot, la société d’alors fourre sans distinction aucune toutes les femmes qui dérangent. Qu’elles souffrent de maladies neurologiques autant que psychiatriques, qu’elles soient mendiantes, prostituées, qu’elles aient voulu s’émanciper de la violence d’un mari, d’un amant, qu’elles aient voulu vivre autrement ou qu’elles soient simplement différentes, elles sont « aliénées » puisqu’elles ne rentrent pas dans la norme.
    Ici les hommes font du mal. Ils violent les patientes et les brisent à nouveau. Ils expérimentent, reproduisent les crises d’hystérie douloureuses à l’infini au nom de la science. Ils blessent et décident. Ils sont peu présents dans le roman mais pourtant omnipotents.
    Le Bal des folles de Victoria Mas dénonce tout autant les conditions de soins des ces femmes, que LA condition de la femme qui a certes évoluée, mais pas suffisamment encore.